Le diagnostic de la place

L’analyse systémique permet d’appréhender le fonctionnement de la place en tant que système territorial. Dans la mesure où nous disposons de critères d’évaluation, ces fonctionnements peuvent être évalués positivement ou négativement. En formalisant cette démarche d’analyse et d’évaluation, on parvient à un véritable diagnostic territorial de la place.

Le diagnostic d’une place pose des spécificités liées au caractère exceptionnel de l’objet place au sein de l’espace urbain. Il ne s’agit donc pas seulement des spécificités liées à un système spatial d’échelle hectométrique (même si perçu en interaction constante avec l’ensemble des quartiers et de la ville qui l’entourent). Il s’agit surtout des spécificités liées au rôle que ce petit système spatiale joue en tant que composante au sein du plus vaste système ville. Cela amène à reconnaître l’existence d’un certain nombre d’objectifs généraux dans le fonctionnement du système place qui caractérisent la place en tant qu’espace public bien particulier au sein du système ville :

- Fournir un espace public ouvert, essentiellement minéral, pouvant servir de support à une grande variété d’activités urbaines et assurant un certain équilibre entre activités à l’arrêt et circulation sans entrave des piétons. La place est complémentaire à d’autres espaces publics urbains (les trottoirs des rues, les promenades, les jardins, les parcs, etc.) tout comme à des espaces spécialisés ouverts au public (galeries marchandes, parkings, carrefours de circulation routière, etc.) elle doit néanmoins garder les spécificités qui en font une place pour jouer la complémentarité et non pas la substitution vis-à-vis de ces autres espaces urbains.

- Catalyser les relations sociales et économiques entre les acteurs urbains (rencontre, rassemblement public, interaction commerciale, etc.). De ce point de vue la place doit être un espace public  plein de vitalité tout le long de la journée et de la semaine. Elle doit également assurer la sécurité des personnes qui la fréquentent. La viabilité commerciale des abords de la place est à la fois un objectif en soi et un moyen pour atteindre les objectifs plus généraux de vitalité et de sécurité de la place. La vitalité de la place contribue grandement à sa perception positive et à tendance à s’auto-entretenir.

- Servir d’interface urbanistique entre plusieurs éléments urbains (les architectures qui la bordent, les autres espaces publics qu’y sont connectés, l’ensemble du tissu urbain du quartier ou des quartiers qui l’entourent). Éventuellement servir d’interface entre un grand équipement public (cathédrale, hôtel de ville, gare, école, palais des expositions, etc.) et le tissu urbain environnant. Une bonne composition urbaine et une localisation judicieuse de la place par rapport aux autres éléments clés du tissu urbain (notamment les rues principales et les grands équipements urbains) sont les éléments essentiels permettant de parvenir à ces objectifs. Ils contribueront également à une perception positive de la place.

- Constituer un espace approprié par ses usagers, avec un certain équilibre entre la population riveraine et le reste de la population urbaine, voire les touristes. En ce sens, la place doit servir de support symbolique à la vie sociale du quartier ou de la ville (selon l’importance de la place). L’appropriation se traduira normalement par une perception positive de l’espace (en dépit des quelques manques dans sa composition urbaine) et par le développement d’un sens d’attachement à la place. Un certain équilibre entre espace public, semi-public et privé est toujours nécessaire pour permettre une bonne appropriation de la place. Une forte appropriation de la place de la part de ses usagers, se traduisant par une perception positive contribue grandement à renforcer la vitalité de la place en termes de fréquentation et de vitalité commerciale. L’appropriation détournée à des fins privés (stationnement, refuge et abris pour des personnes marginalisées) n’est pas la cause d’une faible appropriation par le plus grand nombre et d’une faible vitalité commerciale, elle en est souvent le symptôme.

Bien évidemment des objectifs plus spécifiques peuvent être formulés par les politiques urbaines pour des places bien particulières. La place principale de l’hôtel de ville dans l’hyper-centre citadin pose des enjeux de symbolique urbaine bien supérieurs à ceux d’une quelconque place de quartier. Une place de marché ne pose pas les mêmes enjeux d’urbanisme commercial qu’une place servant essentiellement d’interface à un établissement scolaire, renvoyant à des niveaux bien différents de viabilité commerciale. Certaines places peuvent avoir un rôle bien particulier dans l’économie touristique d’une ville et/ou dans la préservation de son patrimoine. Les places servant d’interface aux grandes gares ferroviaires doivent permette l’écoulement rapide d’importants flux de piétons et assurer à la fois l’interface ente la ville et la gare et celle entre le système ferroviaire et d’autre systèmes de transports (notamment les réseaux des transports publics urbains). Cependant, les objectifs plus spécifiques se rajoutent, caractérisent et modifient à la marge les quatre objectifs généraux, sans s’y substituer.

Guidés par ces éléments d’évaluation, il devient alors possible d’apprécier positivement ou négativement le fonctionnement d'un système place donné. Et cela peut concerner un élément particulier du système ou bien un enchainement de phénomènes observés se renforçant ou s’affaiblissant mutuellement. Dès lors, nous pouvons mettre en exergue les principaux atouts et faiblesses de chaque système place et, en se projetant vers le future, les principales opportunités et menaces en ce qui concerne la poursuite des quatre grands objectifs qui sont propres à toute place urbaine.

Un tableau récapitulatif peut résumer les points de force, les faiblesses, les opportunités et les menaces, ainsi que les suggestions et les erreurs à éviter pour la place étudié. Dans le diagnostic des places urbaines il sera opportun de structures ce tableau par les cinq grandes thématiques analysées (contexte historique, contexte urbain, composition urbaine, fonctions/usages/appropriations, perception).

 

   

Figure 6.4: Tableau du diagnostic

 

 

Les suggestions et les erreurs à éviter peuvent porter sur des éléments ayant une localisation précise au sein de la place, où peuvent constituer des indications stratégiques s’adressant à des sous-espaces plus ou moins bien délimités (l’ensemble du quartier autour de la place ou une partie de ceci, un bâtiment particulier autour de la place ou quelques bâtiments sans qu’il soit spécifié leur localisation précise, etc.). Dans la mesure du possible, ces préconisations trouveront une représentation spatiale dans la forme d’un croquis (cfr, section…) capable d’orienter le développement successif d’un plan d’aménagement de la place.