Le diagnostic systémique de la place Rossetti et de la Halle aux Herbes

L'analyse systémique

La place Rossetti et la place Halles aux Herbes sont un système de deux places : la place Halles aux Herbes est une ancienne place de marché, la place Rossetti étant conçue en tant que parvis de la cathédrale de Sainte-Réparate. En réalité, les deux places sont dominées par la cathédrale édifiée au 16eme siècle, mais de façons fortes différentes. Elles se situent au sein du quartier du vieux Nice qui est un quartier du tard Moyen-âge qui a trouvé un essor touristique à partir des années 1980. Le quartier est desservi par le tramway et les places bénéficient de la convergence de nombreuses rues principalement piétonnes. De plus les deux places sont traversées par la rue Rossetti qui est une rue à grand gabarit par rapport aux ruelles de la vieille ville. La place Halle aux Herbes se situe sur le flanc aveugle de la cathédrale et est traversée par la rue Rossetti ce qui rend difficile sa délimitation et atténue son attractivité. De surcroit, la place Halle aux Herbes a perdu au cours du temps son ancienne fonction commerciale.

Bien plus ensoleillée, la place Rossetti se situe en face de la cathédrale et dispose d’une dimension plus importante que la place Halles aux Herbes. Cela rend cette place attractive et de nombreux restaurateurs s’y sont installés au cours des dernières décennies. L’imagibilité de la place Rossetti est plus importante que celle de la place Halles aux Herbes : la convergence des rues, la bonne délimitation de la place par le front bâti et par la façade de la cathédrale ainsi que l’extrême concentration de l’animation touristique font de la place Rossetti une place-noyau et une place-nœud au sein de la vieille ville de Nice. On ne peut pas dire autant pour la place Halle aux Herbes : la délimitation plus incertaine du fait de se trouver dans l’axe d’une rue presque aussi large que la place, l’activité touristique moins intense et le front bâti de moindre qualité diminuent le rôle et l’imagibilité de la place

Autour des deux places, l’activité économique est principalement tournée vers les touristes, ce qui se traduit par l’installation de nombreux restaurateurs mais aussi de nombreuses résidences secondaires et de logements vacants. L’appropriation de l’espace par les touristes et les restaurateurs entre en conflit avec tout autre usage possible des deux places : de la fonction religieuse de la cathédrale aux commerces et services de proximités, dont la faiblesse va de pair avec une faible appropriation des places par les riverains.

L’été, pendant les pics de l’activité touristique, l’augmentation de la taille des terrasses sur les deux places diminuer l’espace public au point que même la circulation piétonne devient problématique. Il n’y a pas de mobilier urbain hormis une fontaine sur la place Rossetti, ce qui est cause et conséquence d’une appropriation très utilitaire de l’espace public par le secteur marchand.

Cependant, hors saison, la diminution de l’activité touristique n’est pas compensée par la fréquentation des populations locales et les deux places deviennent le lieu de stationnement de quelques véhicules.

   

Figure 6.9 :

Modèle conceptuel de place Rossetti et la Halle aux Herbes

 


Le tableau du diagnostic

Le système des deux places bénéficie des atouts du Vieux Nice: quartier touristique, bonne accessibilité, valeur patrimonial de la cathédrale et de l’ensemble urbain… qui leurs permettent d’accueillir des flux importants durant l’année. Ce sont deux places nœuds.

L’un des points les plus importants du diagnostic de ce système de places concernent la dichotomie entre la place Rossetti et la place Halles aux Herbes. Outre les différences dans la composition urbaine, c’est la disparité dans le dynamisme des deux places qui constitue la principale faiblesse du système de places. La principale contrainte de la place Halle aux Herbes est sa situation sur le flanc aveugle nord de l’église. Une suggestion pour atténuer les effets néfastes de cette situation serait de concevoir un différent traitement de la façade de l’église, par des projections lumineuses ou par des peintures murales.

Un autre point négatif est le conflit d’usage entre le tourisme et les autres activités. Même la fonction religieuse de la cathédrale se heurte à la fréquentation touristique, posant la question du difficile équilibre à trouver entre les besoins de la mise en tourisme et ceux de l’usage des lieux par les populations locales.

Les deux places sont ainsi clairement tournées vers la captation de touristes, leur principal atout étant la concentration de restaurateurs, brasseries et glaciers au fort pouvoir de captation des touristes. La place est donc attractive du midi au soir. Le développement intensif des terrasses n’est pas sans poser des problèmes : la diminution de l’espace public à son strict minimum (déplacement des piétons), le manque de mobilier urbain et, en même temps, la faible utilisation des deux places hors saison. Une suggestion pour améliorer cette situation serait de requalifier l’espace public par la création d’axes de passages et par l’installation de mobilier (bancs, objets artistiques).

Le sentiment d’appropriation des deux places est faible chez les riverains qui ne trouvent que très de peu de service à leur attention. La place Halle aux Herbes est sous-utilisée mais dispose d’un fort potentiel pour être plus attractive : espace vide, présence d’activités de restaurations, possibilité de se déplacer. Une meilleure organisation de cette place couplée avec une réhabilitation du mur de la cathédrale lui permettrait d’améliorer son image auprès des utilisateurs de la place. De surcroit, la place Halles aux Herbes pourrait accueillir sur ses abords une activité à plus haute valeur symbolique, liée aux services à la population riveraine, dans les domaines de l’éducation, des loisirs ou des activités associatives.

   

Figure 6.10 :

Tableau diagnostic de place Rossetti et Hall aux Herbes

 

 

La proposition d'aménagement (Par Sandra Laffay, Sébastien Passel et Simon Tolszczuk-Leclerc, étudiants du Master IMST, UNS)

Les aménagements proposés ont fait l’objet d’une réflexion basée sur la recherche de l’urbanité (respecter et mettre en valeur le patrimoine architectural) et de la convivialité (création d’aménagements piétonniers) : il s’agit donc de rendre aux places leur attrait en préservant l’existence quotidienne des riverains, tout en organisant les flux de visiteurs régionaux et touristiques.

Au niveau de la diversité des activités, la perception de la place et les habitudes de la clientèle font qu’il est très difficile de créer de nouvelles structures commerciales, et ce en raison de leur incohérence ou de leur incompatibilité, les activités répondant à des critères de localisation précis (Bertrand et Listowski 1984). Néanmoins, comme le souligne l’actuel PLU de la ville de Nice, la requalification des espaces commerciaux accueillant du public est un objectif d’une politique volontariste d’urbanisme, avec une attention au retraitement des espaces extérieurs. 

La place Rossetti doit ici être particulièrement mise en valeur, en raison de la présence d’un monument historique, la cathédrale de Sainte-Réparate. Ce monument constitue le pôle attractif de la place, et c’est ce prestige qui engendre les flux de visiteurs, et par conséquent l’installation de terrasses supplémentaires au détriment du mobilier urbain. Dans le but de rééquilibrer la proportion espaces publics/semi-publics, des aménagements piétonniers exclusifs permettront aux flâneurs de se réapproprier l’esthétisme de la place : ainsi, il est primordial de laisser minérale la partie entre la fontaine et la cathédrale, cet aménagement devant susciter une certaine « émotion architecturale » chez les usagers de l’espace public.

Des bancs publics seront ensuite installés près de la fontaine, avec un usage pouvant être autant bucolique –« pour accueillir quelques temps les amours débutants », comme dirait Brassens, où leurs regards se confondraient devant la beauté de l’édifice religieux de la place– que fonctionnel, ces mobiliers urbains délimitant alors l’emprise de l’espace commercial pouvant être utilisé par les restaurateurs.

Afin de revitaliser la place Halle aux Herbes, nous proposons la construction d’un espace réservé aux loisirs extérieurs, pour favoriser la réappropriation de la place par les habitants du vieux Nice. En effet, on peut désormais imaginer cette place, en journée comme en soirée, les jours de fête, ou tous, jeunes comme anciens, se promènent, discutent, jouent… L’ombrage de la place créée par la façade de la cathédrale devient alors un atout dans sa fonctionnalité. Cet espace sera agrémenté encore une fois de bancs publics, mais aussi de tables incorporant un motif en damier, pour les amateurs de jeux de société.

Les « attroupements de population » étant à la base de l’animation sociale d’un espace public (Jacobs 1961), la place Halle aux herbes acquerra également un regain d’intérêt par la requalification fonctionnelle d’un bâti existant –car la façade historique est bien entendu conservée : ce bâtiment sera réservé aux activités culturelles et de loisirs d’intérieur, comme la peinture, la poterie, la musique, ou encore les jeux de société et de rôles. 

La création d’espaces publics dédiés aux loisirs trouve sa justification sur le système de places Rossetti et Halle aux Herbes, puisque le succès de ce type de lieux chaleureux et conviviaux ne s’obtient que lorsqu’une dynamique collective est déjà présente sur l’espace public en question (Jacobs 1961). Il y aura donc un rééquilibrage de la place Halle aux Herbes par rapport à Rossetti, les flux de passants étant répartis de manière similaire sur l’ensemble du système de places.

Afin de procurer une meilleure ambiance pour la place Halle aux Herbes, une fresque ou une projection en trompe-l’œil dévoilant l’intérieur de la cathédrale, ainsi que de personnages historiques pratiquant le culte, sera représentée sur le flanc aveugle du monument. La mise en valeur artistique sera poursuivie sur la place Rossetti avec l’installation d’un diaphragme visuel, qui permettra également de réduire les quelques passages et autres stationnements indésirables de véhicules sur l’espace public. 

   

Figure 6.11 :

Croquis de la place Rossetti et Halle aux Herbes