La composition urbaine de la place Garibaldi
L’analyse morphologique
Figure 3.16 : Place Garibaldi |
Figure 3.17 : Photo panoramique de la place Garibaldi |
L’Analyse architecturale du bâti Place royale savamment conçue par l’architecte Antonio Spinelli à la fin du siècle XVIII, la place Garibaldi se caractérise par une composition soignée et particulièrement rationnelle.
La place est de forme rectangulaire (120m x 75m). Elle s’organise en largeur autour de la chapelle Saint-Sépulcre qui fait face au débouché de l’avenue de la République, ancienne route royale, et offre ainsi une perspective monumentale sur sa façade. Cette place allie deux fonctions. La première, est symbolique dans son rôle d’entrée de la ville. Il s’agissait, selon P. Graff «d’accueillir les souverains en ville, leur rendre hommage, ce qui conduit à envisager une place royale, d’architecture savante ». La seconde est fonctionnelle puisqu’elle est la jonction entre le port et le reste de la ville, jonction par laquelle transitent les marchandises. Elle est bordée par des immeubles à portiques interrompus seulement au sud par la chapelle (sans pour autant interrompre le promenoir des portiques), sur le modèle des places turinoise des siècles XVII et XVIII.
La place est percée au centre de ses côtés est et ouest par les rues du Dr Ciaudo et Cassini. Les angles des mêmes côtés sont fermés et encadrent le côté nord qui accueille en son centre la rue de la République. Le côté sud quant à lui est complètement fermé, il est ouvert par ses deux angles est et ouest. Sur le côté sud, les ouvertures disposées aux angles de la place (rues Jean Jaurès et Catherine Ségurane) sont placées de façon oblique au front bâti de la place, reproduisant (en dépit du grand gabarit de ces axes routier) la fermeture visuelle typique des places médiévales. Sur les trois autres côtés, les différentes ouvertures disposées perpendiculairement et centralement au front bâti répondent plutôt à un schéma baroque et néoclassique, ouvrant la place à des perspectives urbaines lointaines. Ces ouvertures ont surement contribué à l’image de modernité de la place à l’époque de sa conception.
Ce rôle d’interface entre modernité et ville ancienne se lit également sur le plan cadastral. Le plan montre que d’un côté (côtés nord, est et ouest), le bâti est de type planaire : il représente une importante masse qui enserre l’espace ouvert de la place. Les bâtiments, relativement vastes et aux plans parfaitement rectangulaires, sont accolés les uns aux autres de tous les côtés de manière à former une masse continue interrompue uniquement par la trame viaire. Ces masses bâties sont néanmoins perforées par des cours internes. Du côté sud, vers la vieille ville, le bâti est de type différent et forme un tissu marqué par des constructions plus menues structuré linéairement par rapport aux voies. Les bâtiments sont juxtaposés les uns aux autres de manière à former une ligne continue qui suit la voie qu’ils délimitent. Le tout forme un ensemble cohérent et homogène, indépendamment du tracé des voies marqué par son irrégularité. La transition se fait en douceur entre un bâti médiéval au sud et des siècles 18ème-19ème au nord et à l’est, grâce à la disposition des ouvertures de la place, mais également à certains partis d’aménagement en ce qui concerne la place. Les arcades de la place Garibaldi sont ainsi particulièrement massives, très différentes du style léger et moderne utilisé au cours du siècle XVIII dans les places turinoises (et employé successivement à Nice pour la place Masséna). Au contact du tissu urbain très dense et serré de la vieille ville, le choix fut de créer des portiques sombres, marquant moins la modernité de la conception de la place. Garibaldi est ainsi une interface entre deux tissus urbains différents, elle crée une relation évitant toute rupture brutale entre l’ancien et le moderne.
L'analyse architecturale du bâti :
Le gabarit :
Le gabarit, constant sur tout le pourtour de la place, à l’exception près de la Chapelle, détermine la continuité des façades ainsi que le profil de la rue. Dans le cas de la place Garibaldi, le soin a été pris de projeter des immeubles dont la hauteur et légèrement plus grande que la largeur des voies afin de créer une unité de l’ensemble et privilégier la place qui reste l’espace le plus important. La hauteur du bâti dessine le profil de la rue, sa hauteur H est en relation avec la largeur de la voirie.
Figure 3.18 : Le bâti autour de la place est caractérisé par l’unité de son gabarit. Ils sont organisés en R+3. |
La coupe ci-dessus réalisée dans le sens de la largeur de la place montre le rapport entre la largeur de la place et le gabarit des bâtiments (H = ¼ La). Ceci montre l’importance accordée à l’espace ouvert de la place. Des immeubles hauts auraient produit un autre effet.
Les façades :
Figure 3.19 : Les façades |
Le bâti d’une architecture néo-classique marqué par sa symétrie et ses formes géométriques simples, ses façades, sobres et lisses, sont facilement décomposable en trois entités à savoir : le soubassement ou la base du bâtiment, le corps et le couronnement. Toutes ces entités ont un traitement différent selon chaque partie.
Le soubassement :
Figure 3.20 : Le soubassement et la relation entre pleins et vides du portique. |
En plus de son hauteur plus importante que les autres niveaux, le rez-de-chaussée se caractérise par la présence d’une galerie d’arcades, constitue un passage ouvert et couvert d’où s’effectue l’entrée vers les immeubles. Le portique de la place Garibaldi se compose d’arcades en plein cintre au rythme d’une arcade pour deux travées de fenêtres. L’ouverture de l’arcade et de 3m pour une épaisseur de pilier de 2m, ce qui donne l’effet d’un portique relativement massif.
Par comparaison avec les portiques à arcades plus légers et modernes produits à Turin dès la fin du XVII siècle (par exemple les portiques de la via Po), le choix stylistique archaïsant effectué dans la seconde moitié du XVIII siècle pour la place royale de Nice est voulu, pour éviter une rupture brusque avec le tissu de la vieille ville (voir section précédente).
Le corps :
Il s’élève sur trois niveaux et se caractérise par les rythmes des ouvertures. Il s’agit d’un rythme constitué par la succession et la répétition des ouvertures aussi bien horizontalement que verticalement. Le rythme horizontal renforce l’horizontalité de la façade par le nombre de fenêtres qui se répètent.
Figure 3.21 : Le corps : schéma |
Figure 3.22 : Le corps : photo |
Les fenêtres sont de forme rectangulaire, plus hautes que larges. On observe aussi la présence de balcons individuels ou filants mais pas sur toute la longueur de la façade. Ceux-ci sont parfois à l’angle du bâtiment et forment un rythme qui se répète verticalement. Ils sont aussi d’autres fois au centre de la façade à des endroits précis pour former une symétrie avec l’ensemble des portes à faux.
Figure 3.23 : Balcons filants |
Figure 3.24 : La façade de l'église du Saint-Sépulcre
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La façade du bâtiment abritant la chapelle du Saint-Sépulcre jouit, quant à elle, d’un traitement particulier, puisqu’elle se trouve sur l’axe de l’avenue de la République. Il s’agit d’une façade monumentale. Légèrement en saillie par rapport au front bâti de la place, elle est surmontée d’un fronton triangulaire et des colonnes elles-aussi en saillie et surmontées de chapiteaux corinthiens, qui renforcent la verticalité de la façade, quoique le monument respecte le gabarit de la façade urbaine. En réalité, la façade est également conçue comme un grand trompe-l’œil baroque, car la chapelle du Saint-Sépulcre est bien plus petite que ce que la façade laisse présager.
Cette mise en scène architecturale traduit la volonté de traiter la façade qui ferme la perspective de l’ancienne route royale par une architecture urbaine et sophistiquée à l’image des souverains qui entraient en ville en provenance des Alpes.
Le couronnement :
Les toitures sont traitées par des tuiles rouges et comprennent quatre versants. Leur hauteur ainsi que les faibles pentes renseignent sur l’absence de combles concernant les bâtiments qui bordent la place des trois côtés nord, est et sud. Ceux qui bordent la place du côté ouest sont surmontés d’un niveau représentant des combles aménagés. Les toitures des immeubles sont rythmées par la présence de lucarnes qui constituent un apport supplémentaire de lumière ainsi que des cheminées et des gaines d’aération qui sont un élément essentiel de la ligne des toits. Des surélévations successives viennent néanmoins perturber l’homogénéité et l’élégance des toitures originaires.
Figure 3.25 : Côté ouest |
Figure 3.26 : Côté est
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La relation entre la place et le bâti :
Les bâtiments qui entourent la place la délimitent et la définissent, le traitement architectural ainsi que celui de la place, se mettent mutuellement en valeur. La relation entre ces bâtiments et la place est marquée par la présence de la galerie d’arcades qui constitue un élément intercalaire entre eux. Il s’agit un promenoir couvert qui offre un passage abrité à l’usage public.
Figure 3.27 : Relation entre la place et le bâti. |
Le traitement de l’espace public ouvert
La place Garibaldi a connu plusieurs opérations d’aménagement au cours de son histoire. Selon P. Graff, elle est restée une place minérale à l’image de la piazzaitalienne, jusqu’au rattachement de Nice à la France. Sa mise en végétation correspond a été décidée par la municipalité de Malausséna dans les années 1860 et réalisée en 1868. A partir des années 1960 et du « tout automobile » des politiques municipales pendant les trente glorieuses, la place devient un carrefour et un parking goudronné, ce qui a induit la perte et la dégradation des qualités de l’espace public. Il faudra attendre la création de la ligne du tramway en 2007 dans le cadre d’une reconquête des centres urbains pour retrouver ses qualités d’espace public. En effet, les travaux engendrés par le passage du tramway à travers la place ont donné lieu à une rénovation complète de la place.
Le mobilier urbain :
Figure 3.28 : Bancs publics : Une autre variante de bancs disposés de manière à protéger les arbres et servir de bancs. |
La place regorge de mobilier urbain. Toutefois, il est important de souligner que ce dernier se caractérise par la pertinence de son choix puisqu’une seule gamme de mobilier a été choisie. Ceci confère une unité au mobilier et renforce sa cohérence et son homogénéité. Le choix de son emplacement évite la surcharge de la place afin de ne pas encombrer a circulation.
Figure 3.29 : Les poubelles : une seule couleur a été choisie pour tout le mobilier, le gris. |
Figure 3.30 : La statue Garibaldi |
La place Garibaldi abrite également la grande statue de l’héro niçois. Dès son érection en 1891 et jusqu’à 2007, la statue était placée au centre de la place, suivant un schéma typique des places du XIX siècle. Suite au réaménagement de la place dans le cadre des travaux du tramway, elle a été déplacée sur le côté ouest, sur l’axe de la chapelle Saint-Sépulcre. Son emplacement actuel lui offre plus de visibilité et produit un effet remarquable sur la place. Tout en restant dans l’axe de l’ancienne route royale, cet emplacement rompt avec le schéma du XIX siècle et s’approche davantage de l’esprit des places du moyen-âge où les statues et les fontaines étaient disposées à l’écart des principaux flux de passage et jamais au milieu des places.
Le traitement du sol :
Le traitement du sol a bénéficié d’un soin particulier. Les espaces piétons sont traités différemment de ceux dédiés à la voiture ou au tram et sont bien différenciés. Les trois types de circulation sont équitablement répartis avec une part plus importante au piéton. La couleur grise choisie pour toutes les sortes de pavés crée une unité avec le mobilier.
Figure 3.31 : Espace de circulation piéton, espace de circulation automobile |
L’espace de circulation reçoit un autre type de traitement quoique la couleur reste la même. Pour éviter l’intrusion de la voiture sur les espaces piétons, des bornes métalliques ainsi que des blocs de béton (de couleur grise) ont été utilisées.
La végétation :
Figure 3.32 : Les grands arbres de la place Garibaldi. |
Pendant les récents travaux du tramway, une consultation citoyenne a été organisée afin connaitre l’avis de la population sur le souhait de voir une place végétalisée, minérale ou bien minérale avec des éléments végétaux. La majorité des participants à la consultation opta pour la solution intermédiaire. La végétation dans la place Garibaldi se réduit à la présence de trois chênes verts monumentaux à proximité de la statue, ceux-ci ont survécu à toutes les opérations de réaménagement de la place. De nouveaux arbres ont été plantés. Pour protéger cette végétation, les abords des arbres sont entourés de blocs en béton qui jouent aussi le rôle de bancs.
La mise en lumière de la place :
Afin de mettre en valeur les façades mais aussi de prolonger les activités diurnes, un véritable plan lumière a été mis en place afin d’offrir des ambiances remarquables après le coucher du soleil.
Outre les façades, le sol, la végétation et les bordures des voies mécaniques reçoivent aussi des luminaires encastrés soit dans le sol, soit dans les blocs de béton.
Figure 3.33 : Les luminaires sur les façades et au sol |
Mise en perspective des analyses :
Il ressort de cet angle d'analyse que la composition savante de la place Garibaldi a peu évolué au cours du temps, à l’exception du traitement de l’espace ouvert. Les façades des bâtiments entourant la place se caractérisent par la régularité et l’équilibre de leurs proportions.
Le rôle d’interface urbanistique de la place été pris en compte très tôt dans sa composition : interface entre la ville et la campagne (par la conception de sa perspective monumentale), entre le tissu urbain moderne du 19e siècle et le tissu urbain médiéval. Cette caractéristique est renforcée par la disposition des rues : au sud, elles aboutissent aux angles à la manière des places anciennes tandis qu'au nord, les rues sont perpendiculaires à la place à la manière des places modernes. De plus, du point de vue architectural, la place a été conçue en faisant le choix d'apporter des arcs massifs archaïsant pour l'époque mais rappelant l'esthétique médiévale. Après la transformation de la place en carrefour routier, le récente requalification de l’espace public ouvert (revêtements, mobiliers, végétation) suite aux travaux du tramway niçois a permis de mettre en valeur l’architecture de la place et d’augmenter sa valeur d’usage.
Figure 3.34 : Garibaldi, une place de transition |