L’analyse du contexte urbain de la place Garibaldi :
Le site de la place royale (aujourd’hui place Garibaldi) correspond à un point de passage très restreint (moins de 300 mètres) du lit du Paillon entre la colline du château et celle de Cimiez. Le choix de ce site, apparemment mal aisé pour une place de telle importance relève en revanche d’une situation particulièrement stratégique au sein de l’espace urbain niçois du XVIII siècle, permettant de répondre à plusieurs objectifs d’aménagement urbain. La volonté avait émergée au cours du siècle XVIII d'orienter une future croissance de la ville au nord du centre historique, le long du Paillon. De surcroit, la place marquait le point de départ de la route royale vers Turin ainsi que l’entrée en ville pour le cortège royal lors des séjours du roi à Nice. À cet endroit, la place pouvait également assurer l’articulation entre la logistique du port (creusé dans les années 1760 dans le bassin Lympia, à l’est de la vieille ville) et l’accès aux voies de transport de marchandise vers l’arrière-pays et le Piémont. La place devenait également un point de passage obligé entre le nouveau quartier du port et la future zone d’expansion urbaine à l’ouest du Paillon. La place fut ainsi crée sur un terreplein entre la rive gauche du Paillon, le Vieux-Nice (au débouché de la rue Pairolière) et les premières rampes de la colline du château.
À l’issu de la successive expansion urbaine, la place Garibaldi se trouve actuellement à l’interface de plusieurs quartiers montrant des caractéristiques morphologiques et des spécificités fonctionnelles fort différentes. Au sud se trouve le quartier du Vieux Nice, au parcellaire particulièrement émietté et au bâti dense, sillonné dans le sens nord-sud par des rues au petit gabarit. Quartier anciennement populaire, le Vieux Nice a été actuellement intégré à l’activité touristique de la ville. À l’est et au nord s’étendent les quartiers du Port et celui de Riquier-République, au tissu urbain en damier relativement régulier des siècles XVIII et XIX. Il s’agit de quartiers longuement marqués par la présence d’activités logistiques et manufacturières. Le choix de la trame urbaine résulte de la logique en vigueur à Turin : les espaces urbains sont projetés par rapport à un damier qui s’adapte aux spécificités des lieux. Il s’agit ici de la géométrie du Paillon, faite propre par l’axe de l’avenue de la République structurant le damier du quartier Riquier-République et de la géométrie du bassin de Lympia, structurant le damier du quartier du port. Les deux nouveaux quartiers sont interconnectés à la place, et par elle à la vieille ville, par deux axes principaux. Au nord, l’avenue de la République, ancienne route royale qui avait le rôle d’axe de croissance urbaine dans le modèle urbanistique niçois, à l’est la rue Cassini, permettant une interconnexion directe avec la place Ile de Beauté, place centrale du quartier du port. D’autres axes importants confluent sur la place Garibaldi. Du sud-ouest provient le boulevard Jean-Jaurès (ancien quai de la rive gauche du Paillon), qui longe la vieille ville et connecte aisément la place Garibaldi avec la place Masséna et le bord de mer. De l’ouest vient la rue du Docteur Ciaudo, qui se prolonge par le pont Neuf et rentre dans les nouveaux quartiers de la rive droite développés au cours du XIXème siècle, avec en ligne de mire le nouvel Hôpital de Saint-Roch. Le pont Neuf est actuellement englobé par la couverture du Paillon, et à son endroit s’érige le Musée d’Art Moderne et Contemporaine de la ville de Nice. Aujourd’hui comme hier, la place Garibaldi se caractérise ainsi comme place interface, entourée par des nombreux équipements d’envergure urbaine (port, musée).
En dépit de ça, et tout en étant située dans un secteur central de la ville de Nice, la place n’a jamais constitué l’espace public central de la vie urbaine, rôle qu’on attribuera plutôt à la place Masséna, à la Promenade des Anglais et au Cours Saleya, avec son marché aux fleurs. A partir de la seconde moitié du XIXème siècle la ville de Nice a en effet été marquée par le puissant développement de l’activité touristique. L’essor du tourisme a également laissé ses traces sur les structures et les fonctionnements urbains, ainsi que sur les perceptions et les appropriations des espaces publics. L’activité touristique, avec ses palaces et ses fréquentations cosmopolites, marquait ainsi les nouveaux quartiers de la rive droite du Paillon, structurés par l’avenue et par la promenade, ainsi que la colline résidentielle de Cimiez, autour d’un moderne boulevard central arboré. L’est niçois, avec les quartiers du port et de Riquier, ainsi que la vieille ville, étaient restés à l’écart du phénomène touristiques et abritaient les classes populaires niçoises, travaillant sur le port et dans les nouvelles activités manufacturières. Les deux mondes étaient relativement étanches, d’un point de vue socio-culturel (Nice cosmopolite ….) mais également urbanistique, car la place Garibaldi constituait bien le seul point de contacte entre les quartiers de la rive droite et ceux de la rive gauche. Elément hautement structurant du tissu urbain niçois et grande place d’interface, Garibaldi n’a ainsi pas pu catalyser les fonctions hautement symboliques de la centralité culturelle (opéra, musées), administrative (hôtel de ville, tribunaux) ou économique (concentration commerciale de centre-ville, sièges sociaux). L’arrivée du tramway à la fin des années 2000 (traversant la place sur l’axe Jean Jaurès / République) et la croissante mise en tourisme du quartier du port, sont actuellement en train de modifier le contexte urbain de la place et de lui faire retrouver un rôle de place centrale dans les fonctionnements urbains, en accord avec son rôle urbanistique et historique. Cette transformation du contexte pourrait être ultérieurement accélérée par la transformation de l’Hôpital Saint-Roch en nouvel hôtel de ville et par la rénovation et revitalisation de la place Ile de Beauté.
Figure 2.18 : La Place |
Figure 2.19 : La place Garibaldi à l'échelle du quartier |