Les places Rossetti et Halle aux Herbes

Les deux places Rossetti et Halles aux Herbes se distinguent par leur situation au sein du vieux Nice. En effet, ce dernier constitue une destination prisée des touristes grâce à sa charge historique et symbolique. La fréquentation de cet ensemble profite pleinement aux deux places vers lesquelles convergent une grande partie des flux de touristes visitant la vieille ville. Le vieux Nice véhicule l’image d’un quartier pittoresque où les gens peuvent déambuler le long de ruelles aux abords desquelles l’on trouve toute sorte de fonctions et où les créations de jeunes artistes côtoient les enseignes dédiées à l’artisanat local. L’analyse des places Rossetti et Halle aux Herbes se structurera dans les trois sections suivantes :

1. La distribution spatiale des fonctions

2. La distribution spatio-temporelle des usages et des flux

3. L’appropriation de l’espace

Résumé

Le caractère touristique du vieux-Nice et la présence de la cathédrale baroque ont favorisé le développement d’une offre de services et de commerces très importante sur les places Rossetti et Halle aux Herbes. Cette offre profite de l’espace ouvert des deux places mais a tendance à le phagocyter, créant un conflit d’usage entre clients de l’offre commerciale (bar/restaurants, glaciers) et usagers de l’espace public, qui ne disposent d’aucun mobilier urbain. En général, l’espace privé et semi-public s’est développé aux dépenses de l’espace public. Hors saison touristique, la fréquentation des deux places est moindre, avec une présence importante d’actifs venant de l’ensemble de la ville, qui profitent de l’abondante offre de restauration. D’autre part, en semaine, les deux places ont un pic de fréquentation vers 18h et le soir.

Que ce soit pour les flux, les usages ou les fonctions, la place Halle aux Herbes joue un rôle mineur par rapport à la place Rossetti. Cependant, elle participe à l'ensemble en tant que relais, tout en étant marquée par quelques sous-espaces moins fréquentés en éventuellement utilisés pour du stationnement illicite hors saison. La distribution spatiale des usages au niveau de la place Rossetti est plus uniforme, avec une utilisation très intense de l’ensemble de l’espace public.

 

1. La distribution spatiale des fonctions :

Les types d'espace : espace « banal », espace spécialisé.

L’espace des deux places dispose d’un « espace banal » pour la libre circulation des piétons d'environ 1500 m². La circulation automobile est en effet limitée aux ayant-droit et est restreinte à deux voies qui contournent la place (rue Rossetti, est-ouest et rue Sainte Réparate, nord-sud). A l'œil nu, ces voies font partie de la place (même revêtement, espace réduit) mais peuvent accueillir les quelques voitures qui circulent au pas (habitants, livraisons) sans perturber le mouvement des piétons.

Les autres espaces spécialisés sont les bâtiments qui renferment les fonctions économiques en rez-de-chaussée (restaurants, artisanat, commerces), les habitations aux étages supérieurs et, bien évidemment, la cathédrale Sainte Réparate, équipement ouvert à la libre circulation des fidèles, des touristes et des visiteurs pendant la journée.

   

Figure 4.23 :

Schéma de la répartition entre espace « banal » et espaces spécialisés pour les places Rossetti et Halle aux Herbes

 

Les fonctions symboliques de la place

Une fonction patrimoniale et religieuse : la cathédrale, Sainte-Réparate est sans doute le monument le plus important au niveau de ces deux places. Elle reste souvent ouverte pour permettre l’accès au public qui fréquente les deux places. Son architecture et ses événements religieux, notamment la fête de la Sainte Patronne de Nice où la statue de Sainte Réparate est portée en procession de l’église Saint-François-de-Paule jusqu’à la cathédrale participe à au dynamisme des places et à leur fréquentation.

D’autre part, l’architecture du Vieux-Nice avec ses ruelles commerçantes et ses maisons étroites et de couleurs chaudes en font un attrait culturel majeur dans la ville de Nice. Les deux places, avec les façades colorées des vieux immeubles niçois qui les bordent, constituent de ce point de vue un symbole de cet patrimoine architectural et urbanistique du Vieux Nice.

   

Figure 4.24 :

La cathédrale de Ste Réparate

 

Une fonction résidentielle

L’offre de logement au niveau du quartier du vieux Nice est très importante. Dans des immeubles généralement mixtes (abritant donc des commerces ou des services en rez-de-chaussée), on trouve plusieurs résidences principales ainsi que des résidences secondaires et des logements proposés à la location (annuelle et saisonnière). Au cours des dernières années, le Vieux Nice a connu un fort processus de gentrification, avec substitution de classes populaires par des jeunes actifs des classes moyennes, des touristes et des résidents occasionnels. Autours des places Rossetti et Halle aux Herbes, ce processus n’est pas encore complètement abouti, créant un environnement social encore relativement mixte dans les ilots qui les bordent.

   

Figure 4.25 :

Immeubles du vieux Nice donnant sur la Place Rossetti

 

Les fonctions marchandes abritées par la place

Le relevé fait sur les deux places montre la présence de plusieurs activités marchandes dans le rez-de-chaussée des immeubles réparties comme suit :

- Les restaurants et cafés : c’est l’activité qui prédomine sur les deux places. On dénombre sept commerces dont trois restaurants, une pizzeria, un café, ainsi que deux glaciers, dont un, « Fenocchio », est référencé dans toutes les guides touristiques de la ville de Nice. Restaurants, cafés et glaciers attirent une foule très importante composée essentiellement de touristes mais aussi des riverains qui viennent passer un moment sur la place.

- Des boutiques : moins importants par le nombre par rapport à l’activité précédente. On y trouve une boutique de souvenirs.

- Des services : une seule agence bancaire.

   

Figure 4.26 :

Les fonctions marchandes abritées par les places Rossetti et Halle aux Herbes

 

Dans le Vieux-Nice, les activités sont quasiment toutes tournées vers le tourisme, avec la survie d’un certain nombre de commerces de proximité (boucherie, boulangerie, maraîcher...). Cependant, on peut observer que selon les rues, une certaine spécialisation spatiale s'opère. Sur l'ensemble des places Rossetti et Halle aux Herbes, les commerces sont orientés vers le tourisme et la détente, il n'y a pas de commerces de proximité proprement dit (la banque pourrait être le service de proximité mais, après tout, elle est surtout importante pour le guichet permettant le retrait d’espèces souvent nécessaire aux touristes sur place). Dans la rue Sainte Réparate, en revanche, on retrouve davantage de boutiques et de commerces de proximité à côte des restaurants et des glaciers. D'autres rues sont spécialisées dans le domaine artistique (galeries d'art et ateliers d’artistes) comme, en partie, la rue Rossetti.

   

Figure 4.27 :

Les restaurants sur les places Rossetti et Halle aux Herbes

 

2. La distribution spatio-temporelle des usages et des flux

Les flux de mobilité

Le Vieux-Nice comprend essentiellement des rues piétonnes. À l'exception de quelques rues de desserte (menant souvent à des parkings publics souterrains), la circulation automobile est restreinte (habitants, livraisons) et se fait au pas. L'essentiel des flux sont donc piétons, éventuellement à partir de points d’accès qui sont les parkings publics et les arrêts du tramway. Ces flux sont attirés par le caractère pittoresque du Vieux-Nice, ses nombreuses attractions touristiques et culturelles, ses commerces et ses restaurants.

Le tissu urbain du Vieux-Nice est en particulier irrigué par des axes principaux souvent nord-sur reliant le bord de mer (et le cours Saleya) à la place Garibaldi, et focalisant la plupart de l’activité commerciale. Ainsi, le flux principal de piétons sur les places Rossetti et Halle aux Herbes est l'axe nord-sud, de la rue du Vieux Pont/ Mascoinat à la rue Sainte Réparate, en longeant la façade de la cathédrale. D’autre flux piétons ont aussi leur importance pour ces deux places : celui sur l'axe est-ouest entre la colline du château (rue Rossetti) et la rue Francis Gallo, et celui parallèle au flux principal, mais décalé plus à l’est, le long de la rue Centrale. Parfois ces flux secondaires se mélangent avec le flux principal, la place Rossetti servant alors de « commutateur » entre les différents flux.

   

Figure 4.28 :

Les principaux flux de mobilité sur les places Rossetti et Halle aux Herbes

 

Quant à l'arrêt des piétons il se fait essentiellement au centre de la place Rossetti, lorsqu'ils consomment sur les terrasses, au croisement des rues notamment le croisement entre l'axe nord-sud et est-ouest ainsi que devant la cathédrale.

   

Figure 4.29 :

Répartition des personnes à l'arrêt et en mouvement sur les places Rossetti et Halle aux Herbes

 

L’utilisation de la place au cours du temps

En semaine et hors saison touristique, la place Rossetti est fréquentée selon les ouvertures des commerces. En effet, le matin vers 9h, à l’heure de l’ouverture des commerces, nous n’avons pu observer qu’une vingtaine de personnes. Le reste de la journée est bien plus dynamique. Vers 13h les restaurateurs accueillent leurs clients pour le déjeuner (environ 80 personnes). C’est à 18h, qu’il y a le plus de monde sur la place, avec près de 130 personnes. Comme nous l’avons vu avec d’autres places niçoises, la fin de journée est propice à la rencontre sur les espaces publics. Les places Rossetti et Halle aux Herbes exploitent en ce sens l’offre de terrasses des brasseries, des glaciers et des restaurants.

Une particularité des places Rossetti et Halle aux Herbes par rapport aux autres places niçoises étudiées est leur importante fréquentation nocturne. En effet, le Vieux Nice catalyse une bonne partie de l’offre de loisirs nocturnes de la ville de Nice, permettant à nos places de tirer profit d’une fréquentation prolongée, surtout en saison touristique.

Les récents aménagements de l’espace public ont insufflé une nouvelle dynamique aux deux places, donnant surtout une meilleure attractivité à la place des Halle aux Herbes, alors qu'avant la place Rossetti s'accaparait l'essentiel des flux.

   

Figure 4.30 :

Comptage des présences sur les places Rossetti et Halle aux Herbes au cours de la journée

 

   

Figure 4.31 :

L’utilisation de la place Rossetti à quatre heures différentes de la journée

 

 

   

Figure 4.32 :

L’utilisation de la halle aux herbes à quatre heures différentes de la journée

 

Bien évidemment, la fréquentation des deux places augmente dans le week-end et surtout pendant le mois d’été, correspondant au pic de l’activité touristique de la ville de Nice. La fréquentation augmente également à l’occasion des nombreux événements culturels organisés sur les deux places (fête de la musique, crèche en plein air pour Noël, etc.).

   

Figure 4.33 :

La place Rossetti le jour de la fête de la musique (21 juin)

 

Qui sont les usagers de la place ?

Nous avons questionné vingt usagers rencontrées sur les places Rossetti et Halle aux Herbes en fin de matinée d’un jour ouvré du mois de juin, obtenant le profil suivant :

   

Figure 4.34 :

Profil socio-démographique d’un échantillon d’usagers des places Rossetti et Halle aux Herbes

 

Ces informations, couplées aux renseignements sur les lieux d’origine, permettent de dégager deux principaux profils d’usagers des places Rossetti et Halle aux Herbes. D’un côté, les touristes, jeunes, familles avec enfants et retraités, dont la provenance varie entre les pays européens, asiatiques et américains. De l’autre, les riverains stricto sensu et les habitants des autres quartiers de la ville de Nice, avec une forte présence d’étudiants et d’actifs. De nombreux touristes viennent pour profiter d’un week-end ou tout simplement visiter les lieux. Parmi les niçois qui n’habitent pas le quartier on trouve des travailleurs des commerces et des services administratifs du Vieux-Nice.

Nous n’avons pas rencontré de vieux habitants des environs des deux places, qui préfèrent probablement fréquenter des endroits plus calmes, compte tenu de l’importance des flux touristiques et de l’absence de bancs publics.

Comment la place est utilisée par ses usagers ?

   

Figure 4.35 :

Les motifs de la fréquentation des places Rossetti et Halle aux Herbes

 

La moitié des usagers des deux places viennent pour boire un verre ou prendre un repas. En effet, nous avons vu précédemment que l’espace public est fortement investi par les restaurateurs et les glaciers, incitant tout usager de l’espace public à devenir client de l’offre de restauration en terrasse. Cependant, un tiers des personnes interrogées passent par les deux places pour flâner, se promener principalement du fait de la présence de la cathédrale qui donne un attrait culturel, rééquilibrant un peu l’aspect très commercial des deux places. Enfin, 17% des usagers passent par les places pour des raisons de travail.

   

Figure 4.36 :

Durée et fréquence d’utilisation des places Rossetti et Halle aux Herbes

 

Le temps d’utilisation de la place est assez court, la majorité des personnes interrogées restent moins de 30 minutes dont 50% moins de 15 minutes. Il y a des travailleurs et des touristes qui restent le temps de boire un verre ou de manger une glace, obligés par ailleurs à quitter les terrasses une fois la consommation terminée. Sur la place Rossetti, la visite de la cathédrale est inscrite sur les guides, ce qui en fait un des premiers motifs de déplacement. Cependant, hors de ses activités marchandes, la place n’offre pas un espace convivial pour l’accueil des touristes, qui restent donc moins d’une quinzaine de minutes sur l’espace public de la place Rossetti, le temps d’organiser la visite de la cathédrale. Notons finalement que 20% des personnes interviewées étaient des piétons en déplacement qui sont resté sur la place seulement pour répondre au questionnaire. Cette permanence réduite des usagers sur l’espace ouvert des places Rossetti et Halle aux Herbes réduit considérablement leur rôle de catalyseur de relations sociales et contraste avec les données relevées sur d’autres places niçoises. 

La fréquence d’utilisation montre bien la dichotomie entre les différents types d’usagers : d’abord les usagers du quotidien (riverains ou travailleurs du Vieux-Nice) venant sur la place une fois par jour (30%), ensuite les habitués (40%) venant de façon moins régulière sur la place (une fois par semaine ou par mois) à partir d’autres quartiers de la ville de Nice, et enfin les touristes et les visiteurs, découvrant la place pour la première fois ou y venant de façon très épisodique (30% dans leur ensemble). À noter que les personnes interrogées étaient essentiellement francophones en raison de la barrière de la langue d’où une présence plus importante de niçois et de riverains par rapport aux touristes.

 

 

3. L’appropriation de l’espace

La répartition des appropriations

Il est utile de mentionner que des travaux de réaménagement on été faits tout récemment afin d’embellir ces deux places mais aussi d’offrir un espace de rencontre et de repos pour les gens qui les fréquentent. Toutefois une comparaison entre le projet prévu, notamment les projections des usages futurs de l’espace public et les photos prises sur place après les travaux, laisse apparaitre une énorme différence. 

L’espace public des deux places a été détourné et accaparé par les différents restaurants et glaciers qui y disposent leurs tables, comme était prévisible suite à choix de ne pas installer du mobilier urbain (bancs, chaises) au milieu de la place. Cela est particulièrement vrai pendant la saison touristique. Les activités marchandes qui contribuent à l’animation des deux places se développent ainsi au point de créer un conflit d’usage entre les clients (bénéficiant de l’espace semi-public des terrasses) et les simples usagers de l’espace public, pour lesquels les possibilités d’un arrêt agréable sur les places sont très réduites. En saison, des conflits d’usage s’observent même entre piétons à l’arrêt et piétons en mouvement sur l’axe longeant la façade de la cathédrale, tant l’espace pour l’arrêt des piétons est réduit au strict minimum. Les usagers sont donc dans l’obligation de s’assoir et consommer ou de traverser la place.

   

Figure 4.37 :

Le réaménagement des places Rossetti et Halle aux Herbes : projection des usages futur de l’espace public (source : Maison des projets de la ville de Nice) et réalité après les travaux.

 

 Hors saison touristique, la répartition des différentes appropriations de l’espace est plus équilibrée, même si toujours marquée par la dominante de l’activité marchande. Dans le schéma de distribution des différentes appropriations de l’espace, on voit ainsi que l’espace de la libre circulation des piétons est contraint aux interstices de l’espace semi-public des activités marchandes.  

Il y a également deux espaces qui sont souvent appropriés de façon informelle : le parvis de la cathédrale, utilisé par les marchands ambulant, et le côté de la cathédrale détourné pour le stationnement des riverains (surtout hors saison). Autant le premier participe à la vie de la place et profite de l’axe de passage des touristes, autant le stationnement contribue à la restriction de la circulation piétonne déjà réduite et handicape ultérieurement l’attractivité de la place des Halle aux Herbes. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Figure 4.38 :

Schéma de distribution de l’appropriation de l’espace dans les places Rossetti et Halle aux Herbes en été

 

 

 

   

Figure 4.39 :

Schéma de distribution de l’appropriation de l’espace dans les places Rossetti et Halle aux Herbes en été

 

 

   

Figure 4.40 :

Appropriation de l’espace public par les terrasses sur la place de la Halle aux Herbes

 

 

   

Figure 4.41 :

Appropriation de l’espace public par les terrasses sur la place Rossetti