L’analyse spatio-temporelle des usages et des flux

Les flux

Les espaces publics en général et les places en particulier, offrent une large palette d’usages (repos, flânerie, restaurations, spectacles de plein air…). Toutefois, ce potentiel est différemment utilisé par les usagers. Il convient de distinguer parmi les usagers des places ceux pour qui ces lieux sont la destination finale où ils passent un moment et profitent des lieux (flâneurs sur place, personnes à l’arrêt) et ceux qui ne font que passer ou traverser la place. Les usagers en déplacement transitent par les places pour aller à un autre point de la ville. Le taux de passage est plus important à des moments précis de la journée notamment les heures de pointe correspondant aux heures d’entrée et de sortie du travail et des écoles (temporalité qui varient par ailleurs d’une ville à l’autre et surtout, d’un pays à l’autre). En effet ces personnes traversent ces espaces pour rejoindre les arrêts des transports en commun, ou tout simplement rejoindre leurs lieux de travail ou des cours. Ils ne restent donc pas sur place mais ne font que passer. La plupart de ces piétons en déplacement sont néanmoins des usagers réguliers de la place (ils habitent ou travaillent dans les quartiers environnants et connaissent bien les lieux), dans le cas des grandes places-nœuds ils peuvent utiliser la place seulement comme point de rupture de charge dans une chaine de déplacement, étant ainsi mois liés aux quartiers environnants. Par ailleurs, les flâneurs et les personnes à l’arrêt sont ceux qui y viennent pour des raisons précises (rendez-vous, manger sur place) ou non (flâner, prendre de l’air), cependant, le point en commun est qu’ils y passent du temps et profitent d’avantage des différents services proposés par la place.

Ces usagers, qu’ils soient des passants, des flâneurs ou à l’arrêt, contribuent tous à l’animation de l’espace public, par leur présence et par leurs mouvements.

Par observations sur le terrain, nous pouvons dégager les tendances de déplacement des usagers d'une place. En effet, comme nous le verrons dans les analyses des places niçoises, sur beaucoup de places, il existe toujours des parties plus animées que d'autres souvent à l'origine de flux plus important. Ces derniers peuvent suivre des axes bien déterminés, comme le remarquait déjà C. Sitte (1889). Les personnes en déplacement et à l’arrêt peuvent être représentés graphiquement en indiquant leur répartition spatiale, faisant ainsi ressortir des axes préférentiels au sein de l’espace surfacique de la place et/ou des sous-espaces de forte concentration de personnes à l’arrêt. De plus, il est nécessaire de représenter les autres flux possibles sur la place (flux automobile, tramway) pour identifier quelle est leur articulation avec les déplacements piétons.

Actuellement, la question de l'accessibilité des places, notamment dans les espaces urbains centraux, est traitée principalement par la desserte de lignes de transport en commun en site propre (tramway, trolleybus). Le but est de requalifier les espaces publics en les rendant plus accessibles tout en limitant le passage des voitures et le stationnement. La desserte en souterrain (notamment par le métro) est également une composante de l’accessibilité de la place : elle peut découler de la volonté d’assurer un caractère plus piéton à la place ou, à l’opposé, celle de ne pas entraver sa desserte automobile.

La distribution spatio-temporelle des usages

Les activités des citadins, les flux d'usagers, de visiteurs, sont déterminés notamment par les temporalités de la vie urbaine. Les temps et les rythmes de la ville font actuellement l’objet d’une nouvelle direction en recherche urbaine et en aménagement (voir par exemple CERTU 2001 ou Royoux 2007). On reconnait tout particulièrement à ces temporalités le fait d’être à la base de l'animation sociale de l'espace public. Ces animations sont diverses et conditionnées par les caractéristiques sociales et culturelles des populations intéressées, tout comme par les contraintes des types d'activités concernées.

Les usages de l'espace public évoluent dans le temps. L'activité n'est jamais vraiment éteinte mais elle fluctue et parfois varie d'un extrême l'autre au cours de quelques heures. Ponctuellement l'espace publique peut être utilisé à des fins spécifiques : manifestations, commémorations, fêtes et celles-ci peuvent être utilisées durant un temps déterminé. Par exemple, le carnaval, une exposition, un défilé.

Plusieurs temporalités peuvent être prises en compte dans l’étude d’une place :

• Au cours des années, les transformations lentes et pas forcement cycliques de l'espace public, des ses fonctions et de ses usages.

• Au cours des saisons, les variations été/hiver causés par les contraintes de la météo ou par les besoins de l’activité touristique.

• Pendant la semaine, surtout en ce qui concerne le rythme jours ouvrés/weekend.

• Pendant la journée-type, en lien avec les déplacements et les usages rythmés par l'activité économique, commerciale ou tout simplement résidentielle.

Selon J. Jacobs, une des conditions nécessaires au bon fonctionnement d'un espace public est qu'il soit rempli d’usagers (à l’arrêt, en mouvement) à toutes heures de la journée, pour motifs divers avec la possibilité d'utiliser les mêmes équipements. Il est essentiel pour cela que chaque quartier possède plus d'une fonction primaire pour qu'il y ait une diversité des fonctions urbaines. Ce mélange doit être suffisamment riche pour engendrer la sécurité, les contacts humains et l'enchevêtrement des activités.

Pour saisir au mieux les configurations spatiales et temporelles des différents usages de la place, différentes méthodes peuvent être mobilisées notamment une fréquentation du terrain à des heures différentes (avec simple observation qualitative ou réalisation de comptages), le questionnement des usagers et des acteurs économiques, le recensement des fonctions abrités par la place avec la prise en compte des temporalités qui leur sont propres (horaires d’ouverte des commerces, des bureaux, des aires de jeux, etc.). Pour étudier les fréquentations de la place, des protocoles de comptage peuvent également être mis en place à partir d’images et/ou de vidéos prises à des endroits préalablement identifiés et à différents moments de la journée.