La place du Général De Gaulle

La place du Général de Gaulle a connu un profond bouleversement avec le déménagement de la gare des Chemins de fer de Provence au début des années 90. Le bâtiment de la gare est resté mais la fonction de gare s'est perdue ce qui a modifié en partie les usages de la place. Plus récemment, comme la place Garibaldi, la place du Général de Gaulle a bénéficié d'un réaménagement de son espace public par le passage du tramway niçois.

L’analyse de la place du Général De Gaulle se structurera dans les trois sections suivantes :

1. La distribution spatiale des fonctions

2. La distribution spatio-temporelle des usages et des flux

3. L’appropriation de l’espace

Résumé

La place du Général de Gaulle se caractérise par la présence de son marché journalier qui attire dès le début de la matinée, un nombre important de chalands. Parmi ces derniers, il y a une composante importante de retraités du quartier mais la facilité d'accès à la place amène aussi des visiteurs du reste de la ville. On constate une prédominance de services marchands et publics qui étale la fréquentation de la place dans la journée sauf le soir en raison de leur fermeture. Au cours de la journée, bien que le marché ne soit plus présent, on note d'autres usages de la place (se promener, discuter). D'autre part, la diversité des ses fonctions et leur équilibre (résidentiel et commercial) ainsi que la diversité des quartiers bordant la place, à la fois populaires et aisés, donne à l’espace public une fréquentation mixte et une image conviviale. 

La répartition spatiale des flux et des usages varient selon la présence ou non du marché. Seul le jardin public attenant à la place garde une fréquentation et des usages constants. Le contexte urbain de la place notamment sa proximité avec le centre-ville, et sont accès par l'avenue Malausséna desservi par le tramway, influe sur les flux piétons et fait de la place également un espace de transit. Transit qui est facilité par la forme de la place circulaire à la convergence de plusieurs axes urbains.

 

 

1. La distribution spatiale des fonctions 

Les types d'espace : espace « banal », espace spécialisé.

Comme pour la place Garibaldi, l'essentiel de l'espace bâti autour de la place du Général de Gaulle est à usage mixte avec des fonctions commerciales et administratives en rez-de-chaussée et d'habitation à l’étage. A ces espaces spécialisés au sein des bâtiments il faut rajouter les espaces dédiés à la circulation au sein de la place. Comme Garibaldi, la place est traversée par deux types de voies (tramway et automobile) pour un total de 2 800 m². L’espace banal pour le libre mouvement des piétons est privilégié par rapport à la circulation (70 % de la place, soit environ 5 500 m², auxquels on peut rajouter la surface du jardin public qui jouxte la place) ce qui augmente la possibilité de relations sociales au sein de la place, même si une partie non négligeable de cet espace est occupé par les étales du marché pendant la matinée. On peut évaluer à 4000 m² les surfaces en rez-de-chaussée occupées de façon permanentes par les activités économiques et administratives.

   

Figure 4.42 :

Schéma de la répartition entre espace « banal » et espaces spécialisés pour la place du Général De Gaulle

 

 

La fonction résidentielle

La fonction résidentielle fait partie de l'espace spécialisé. Les bâtiments qui bordent la place sont essentiellement à usage d'habitation, avec une certaine mixité quant à leurs styles architecturaux, état de conservation et populations résidentes. Des professions libérales et des services administratifs sont également abrités par les bâtiments entourant la place. La requalification des artères Malausséna et Borriglione, devenues piétonnes grâce au passage du tramway, a provoqué un renchérissement des valeurs immobilières (entre 3000 et 3500 €/m2) sans pour l’instant remettre en discussion la mixité sociale des abords de la place. Par observations, des îlots plus populaires (sur le boulevard Joseph Garnier mais également au début de l’avenue Borriglione) jouxtent des immeubles de meilleurs standing donnant directement sur la place.

   

Figure 4.43 :

Les fonctions de la place du Général De Gaulle

 

Les fonctions marchandes

 

D'après la carte, la place comprend une vingtaine d'activités en rez-de-chaussée des bâtiments. La fonction dominante est celle des services qui se distingue en plusieurs types :

  • Les services marchands : banques, agence immobilière, coiffeur, institut de beauté ;

  • Les services publics : bibliothèque, mairie annexe, hôtel de police ;

  • Les commerces et les brasseries-restaurants.

La place est dans le prolongement de l'Avenue Jean Médecin (secteur commercial et touristique du centre niçois). La coupure psychologique produite par le pont SNCF instaure une limite de quartier. Ainsi, le quartier de la « Libération » au sud de la place, reste populaire tout en étant à proximité d'un secteur touristique ce qui induit une atmosphère différente et une moindre visibilité pour ses commerces.

Mais bien plus que par les commerces abrités en rez-de-chaussée, la place du Général de Gaulle est caractérisée la présence du plus grand marché aux fruits et légumes de la ville de Nice : le marché de la Libération, ouvert six jours sur sept jusqu’aux alentours de 13h. Il s'étend du sud de la place et se prolonge de chaque côté de la voie de tramway sur une trentaine de mètres sur l'avenue Malausséna ainsi qu'un bras d'environ 30 mètres au nord de la gare. C'est un marché populaire, la plupart des maraîchers proviennent de l'arrière pays niçois, une partie se spécialise en produits de la mer. Située plus au nord, la cité marchande des Docks de la Riviera existe depuis plusieurs décennies et complète le marché en proposant sous des halles, fruits et légumes, boucherie, fromagerie, produit italiens. Réputé plus authentique que celui du cours Saleya (dans le quartier touristique du Vieux Nice), le marché est ancré dans l'identité du quartier de la « Libération ».

   

Figure 4.44 :

Le marché de la Libération et la cité marchande

 

A noter que dans l'ensemble des activités présentent en rez-de-chaussée, deux commerces ne sont pas en activité. L'un bien situé sur la place et l'autre en retrait (voir carte des fonctions). Au dire des riverains, les récents travaux du tramway auraient été assez lourds pour les commerçants, certains n'ayant pas résisté au manque de clientèle. De plus, l’actuel bâtiment de l'ancienne gare des Chemins de Fer de Provence est une friche en projet de reconversion, affectant négativement le fonctionnement commercial de ses abords.

   

Figure 4.45 :

Commerce fermé

 

Un espace de loisirs

Le jardin de la Villa Thiole, avec ses jeux d’enfants et ses bancs ombragés par des pergolas, donne une fonction supplémentaire à la place, celle d'un espace arboré de détente et de loisirs. Le jardin est d'une certaine taille, ouvert sur la place et fréquenté tout au long de la journée (mais fermé la nuit).

   

Figure 4.46 :

Jardin de la villa Thiole

 

 

Les fonctions administratives

Au sud de la place, à proximité de l’arrêt du tramway et du jardin de la villa Thiole, plusieurs services publics sont regroupés dans le centra administratif du quartier : mairie annexe, bibliothèques (pour adultes et pour enfants), école municipale d’arts plastiques. Plus récemment à été installée « le Centre de supervision urbain » dans un bâtiment belle époque et dans un bâtiment moderne au nord de la place. La politique de la ville mise sur la sécurité de l'espace public, d'où ce choix d'emplacement (sur la place, dans l’axe visuel de l’avenue) et la création d'un bâtiment moderne, de façon à être une vitrine de la politique qui y est menée.

   

Figure 4.47 :

Le centre de supervision urbain

 

 

Une fonction patrimoniale et symbolique

Au niveau architectural, la place s'intègre dans un ensemble qui fait suite à l'extension de Nice vers le nord à la fin du XIXème siècle. Son architecture est de type Belle Époque, contribue à marquer l'image du quartier et fait partie du patrimoine architectural niçois. Le patrimoine architectural de la place intègre également le bâtiment de l’ancienne gare des Chemins de fer de Provence, classé monument historique mais aujourd’hui à l’abandon.

   

Figure 4.48 :

Bâtiment belle-époque

 

 

   

Figure 4.49 :

Côté sud-ouest du bâtiment de l'ancienne gare

 

La fonction symbolique de la place va au-delà de son patrimoine architectural et renvoie à l’histoire plus récente de la ville de Nice. Marquée par des affrontements meurtriers entre résistants et armée allemande en mai 1945, l’ancienne place Gambetta sera appelée « de la Libération » par le niçois. Successivement, les autorités politiques locales ont voulu rebaptiser la place au nom du Général de Gaulle, appropriation symbolique marquée par la très récente installation d’une statue du Général.

Comment les commerces utilisent l’espace de la place

Depuis les travaux du tramway niçois, le marché dispose d'installations coordonnées et permanentes sur la place destinées à protéger les commerçants du soleil et de la pluie. Ces installations n'ont pas d'autres usages dans le reste de la journée. Certains habitants ont indiqué préférer l'avenue et la place sans ces installations, lamentant leur présence encombrante une fois le marché terminé.

Les restaurateurs profitent de l'espace piéton pour installer leurs tables, chaises et parasols en symbiose avec le marché (même si les terrasses restent ouvertes jusqu’au soir).

   

Figure 4.50 :

Utilisation de l’espace public par les différents commerces

 

 

 

2. La distribution spatio-temporelle des usages et des flux

Les flux de mobilité

La place du Général De Gaulle est le point de convergence de nombreux flux. Tramway, voitures et piétons produisent des flux différents qui se croisent sur la place. La place dispose d'un arrêt de tramway au sud, sur l'avenue Malausséna qui apporte continuellement un flux piéton, notamment en provenance du centre-ville.  

Les flux piétons sur la place sont temporellement rythmés et spatialement structurés par présence du marché. D'après nos observations, représentées sur le schéma ci-dessous, le principal flux de piétons suit l'axe du tramway, qui coïncide également avec l’axe principal des étales du marché. Hors marché, les piétons se déplaçant sur cet axe sont principalement des habitants du quartier qui utilisent le tramway pour descendre l'avenue Malausséna puis Jean Médecin (principal axe commercial de la ville de Nice). Un second axe de mouvement piéton est celui allant d’est en ouest, le long des boulevards Raiberti et Joseph Garnier. Cet axe concerne des déplacements plus locaux, au sein des quartiers bordant la place, mais est également renforcé par la présence de chalands aux heures de marché (étales du Bd Joseph Garnier, halle marchande sur le Bd Raiberti).

 

Figure 4.51 :

Les principaux flux de mobilité traversant la place du Général De Gaulle

 

   

Figure 4.52 :

La répartition des personnes à l'arrêt et en stationnement sur la place du Général De Gaulle, le jour du marché

 

 

   

Figure 4.53 :

La répartition des personnes à l'arrêt et en stationnement sur la place du Général De Gaulle, les autres jours

 

La place du Général de Gaulle propose moins d’occasions de stationnement pour les piétons par rapport à la place Garibaldi. Le principal point d’arrêt est ainsi situé hors de la place : le jardin public, avec ses bancs et ses espaces ombragés. Sur la place, les points d'arrêt correspondent aux terrasses des cafés et aux bancs circulaires bordant le gazon central. En général, la place comprend plus de personnes en mouvement que de personnes à l’arrêt (flânerie...). L'arrêt du tramway et la configuration convergente des rues génèrent ainsi des flux piétons qui ne sont pas contrebalancés par des opportunités d’arrêt suffisamment nombreuses et variées.

 

L’utilisation de la place au cours du temps

 

En semaine, la fréquentation de la place du Général De Gaulle est rythmée par le marché. Dès 9h, à l'ouverture du marché, la place devient très fréquentée, avec une présence moyenne d’environ 150 personnes sur son espace public. Puis, le reste de la journée, la fréquentation de la place se maintient aux alentours de 80 personnes constatées à 13h et 18h, fréquentation liée à d'autres usages (promenade, rencontre).  

Par contre, le soir vers 21h, la place se vide et n'est fréquentée que par une dizaine de personnes. En effet, , à la fermeture des activités commerciales et administratives, la place du Général De Gaulle redevient un espace essentiellement résidentiel, à peine animé par la présence de quelques restaurants ouverts le soir. La place est donc calme mais reste animée dans sa partie sud par le tramway (en service jusqu'à minuit) et par les allers-venus des habitants qui rentre chez eux.

   

Figure 4.54 :

Comptage des présences sur la place du Général De Gaulle au cours de la journée

 

La place pourrait bénéficier davantage des flux de l'avenue Jean Médecin, mais nous avons constaté précédemment qu'il existe une rupture visuelle et fonctionnelle causée par le pont du relevé ferroviaire.

   

Figure 4.55 :

Rupture visuelle vers l'avenue jean médecin

 

 

La fréquentation varie entre la semaine et le weekend mais l'on pourrait s'attendre à un surcroit de fréquentation à des moments autre que le marché, ce qui n'est pas le cas. La seule attraction est le jardin public et plus tellement la place elle-même.

 

Qui sont les usagers de la place ?

Nous avons questionné vingt personnes rencontrées sur la place en fin de matinée (heure du marché), voici le profil de l'échantillon interrogé :

   

Figure 4.56 :

Profil socio-démographique d’un échantillon d’usagers de la place du Général De Gaulle

 

Les données qui ont servies pour les analyses suivantes proviennent des réponses du questionnaire des usagers de la place inspiré par celui élaboré par M.Bassand (2001), mais aussi de nos observations sur le terrain. A l'heure du marché, le profil des usagers de la place correspond essentiellement à des retraités bien qu'il y ait une part non négligeable d'actifs. Les retraités sont en grande partie des habitants des quartiers alentours qui viennent sur la place pour leurs achats quotidiens et les rencontres. 

Nous n’avons rencontré pratiquement aucun touriste contrairement lorsque l'on passe le pont SNCF en direction de l'avenue Jean Médecin.

 

Comment la place est utilisée par ses usagers ?

Dans ce qui suit, il faudra tenir compte que les interviews ont été effectuées à l'heure du marché, ce qui a clairement un impact sur les réponses obtenues. Ainsi, 34 % des personnes questionnées utilisent la place pour faire des achats et principalement au marché. En même temps, on peut constater que la majorité des usagers de la place n’y sont pas venu expressément pour le marché, mais plutôt pour se promener (25%), rencontrer des gens (25 %), boire un verre ou prendre un repas (8%) ou encore accompagner les enfants (8% chacun). Ce qui indique qu'à l'heure du marché, celui-ci est l'activité principale mais qui se conjugue avec d'autres usages jouant un rôle sociabilisant. Nous avons pu constater que ce sont principalement les retraités qui se rencontrent en petit groupe pour discuter pendant un certain temps.

   

Figure 4.57 :

Les motifs de la fréquentation de la place du Général De Gaulle

 

 

   

Figure 4.58 :

Durée et fréquence d’utilisation de la place du Général De Gaulle

 

Les usagers déclarent venir sur la place une ou plusieurs fois par jour pour 50%, réponse très fréquente pour les retraités des quartiers environnants. 30% déclarent venir entre une fois par semaine ou une fois par mois. Il y a 20% de personnes qui déclarent venir quelquefois par an et à de rares occasions. Ce qui montre que la présence du marché induit une présence d'habitués qui viennent régulièrement mais aussi celle d’un autre type d’usagers, plus épisodiques, qui viennent sur la place plus rarement. Cela permet à la place de mélanger habitués et inconnus, provenant du reste de la ville.

De nombreuses personnes (80%) restent plus d'une heure sur la place, valeur la plus haute parmi les places niçoises étudiées. Cela montre une certaine capacité de la place du Général De Gaulle à catalyser des relations sociales : les motifs flânerie/promenade ou discussion produisent des permanences longues sur l’espace public et même les pratiques d’achats liées au marché en plein air ont tendance à retenir relativement longtemps les chalands sur l’espace public, profitant à son animation, à son attractivité commerciale et à sa sécurité.

   

Figure 4.59 :

L’animation de l’espace public créée par le marché

 

3. L’appropriation de l’espace 

Comme déjà pour la place Garibaldi, la place du Général De Gaulle montre un certain équilibre entre l'espace public, l'espace semi-public et l’espace privé. On retrouve des commerces en rez-de-chaussée des bâtiments qui bordent la place (espace semi-public), prolongés par quelques terrasses et surtout complétés par les étales du marché pendant la matinée. Quant aux étages des immeubles, ils sont pour l'essentiel de l'espace privée abritant de l’habitat, des bureaux de professions libérales ou des activités administratives.

L'espace de la place est public. La mairie à choisi de laisser les installations du marché de façon permanente, ce qui montre l'importance de la présence du marché comme fonction dominante.

Le jardin public attenant est un espace de rencontre tout au long de la journée pour différentes catégorie de la population (surtout familles avec enfants et retraités).

La distribution spatiale des usages

D'après les éléments mis en exergue précédemment, nous pouvons constater que la place évolue au cours de la journée suivant la présence ou non du marché. Cela produit deux ambiances différentes.

Durant le marché, les usages sont intenses et multiples et quasiment sur l’ensemble de l'espace de la place. Les personnes circulent dans tous l'espace public où se situent les installations du marché, profitent des terrasses de café et des commerces.

En revanche, pendant l'après midi, une fois le marché terminé, les flux gardent une certaine intensité selon les heures et les usages deviennent plus localisés (achat particulier, point de rendez-vous, circulation en transit). Quant au jardin public, sa fréquentation varie peu au cours de la journée.

   

Figure 4.60 :

Distribution spatiale des usages sur la place du Général De Gaulle, à l'heure du marché

 

 

   

Figure 4.61 :

Distribution spatiale des usages sur la place du Général De Gaulle, aux autres heures

 

 

Malgré cette différence, la place du Général De Gaulle est un espace fréquenté tout au long de la journée, facteur de réussite d’un espace public selon J. Jacobs. Il y a un certain nombre de commerces de proximité qui permettent cette fréquentation, cependant, il manque peut être une fonction primaire comme un cinéma ou un théâtre qui permettrait d'avoir une fréquentation supplémentaire l'après midi et le soir et surtout, cette fréquentation continue ne concerne par vraiment tout l’espace de la place.

Des appropriations informelles importantes s’observent ainsi à la périphérie de la place. La grande friche ferroviaire de l’ancienne gare des Chemins de Fer de Provence, pour la plupart utilisée en tant que parking, est un espace relativement répulsif pour les fréquentations comme pour l’activité commerciale, une fois le marché terminé. Ses abords deviennent alors le refuge de populations marginales (quelques individus y passent également la nuit) ou sont utilisés pour du stationnement illicite de véhicules (en plus des grandes surfaces déjà transformées en parking). Par crainte d’une appropriation détournée du jardin public pendant la nuit, la ville de Nice a ainsi décidé depuis quelques années de le clôturer et de le fermer au public après 20 heures.